Chapitre 5

Portraits de famille….


Tu pourrais, Wilda, nous parler de ton enfance ? Tu n'as pas toujours vécu dans les bois... Raconte-nous…Comment étaient tes parents, ta maison ?

Lorsque j'étais petite, comparativement à bien d'autres enfants, j'ai vécu une belle enfance. Je n'ai pas toujours vécu dans la forêt… Je demeurais dans une belle maison, j'avais ma propre chambre, ma mère me faisait de beaux vêtements, j'avais quelques jouets qui me venaient en grande partie de mes tantes du Nouveau- Brunswick. De plus j'étais seule à avoir l'attention de mes parents.



Par contre, je m'ennuyais souvent et comme je n'avais que rarement la permission d'aller jouer avec des petites voisines, je me trouvais bien seule. Quand je ne pouvais pas aller chez mes oncles et tantes, je m'amusais beaucoup car tout était nouveau pour moi dans le sens que c'était bien différent de la vie de chantier.

Quand j'étais à la maison, je passais des heures à découper des photos de petites filles dans le catalogue de Simpson Sears. Je leur faisais ensuite des vêtements en découpant dans le même catalogue. Pour les ajuster, je laissais plus de papier aux épaules et à la taille. Ensuite, je repliais le papier afin de faire tenir les vêtements sur la photo de la petite fille que j'avais au préalable collé sur un carton rigide.

Même si je ne savais pas encore lire je passais pas mal de temps à regarder les aventures de Philomène et les miquettes dans le journal que mon père achetait les fins de semaines.

Je lui raccontais ce que je comprenais de l'histoire et je pense que j'avais l'imagination fertile car quelques fois, j'en rajoutais. Je me couchais par terre dans le salon, le journal bien étandue devant moi et je passais beaucoup de temps à m''inventer des histoires avec les quelques images que je trouvais

Vous savez, il n'y avait pas de télévision. Je n'avais pas de ces beaux jeux que vous retrouvez sur le marché aujourd'hui, je ne lisais pas non plus ces beaux volumes illustrés qui sont à profusion maintenant.

Nous devions nous servir de notre imagination bien plus que maintenant, nous n'étions pas aussi gâtés mais nous trouvions quand même des choses intéressantes à faire.

Quand je pouvais mettre la main sur un livre illustré, soyez assurés que je le connaissais par cœur. Je dessinais aussi et quelques fois, gros luxe, j'avais un livre à colorier et des crayons de cire de différentes couleurs. Je les ménageais pour les moments difficiles.

Mes cousins et cousines m'enviaient d'avoir tout cela pour moi toute seule, mais moi je les trouvais tellement chanceux d'avoir des frères et sœurs pour jouer, pour se confier et même pour se chamailler à l'occasion.

J'avais une petite voisine qui venait jouer avec moi à l'occasion. Elle repartait souvent avec des jouets, elle ne venait pas par amitié mais bien parce qu'elle savait qu'elle aurait ce qu'elle voulait.

C'est triste d'être oubligée d'acheter l'amitié, d'être oubligé de donner pour avoir un peu de compagnie. Je la plaignais aussi car elle n'avait pas autant que moi, sa famille était nombreuse et elle manquait de tout ce luxe que j'avais comparativement à elle.

Mes petits amis, méfiez vous de ces supposés amis qui profitent de vous. L'amitié est un très beau sentiment, il est générosité et ne demande rien en retour si ce n'est que votre amitié sincère.

Tu as raison Wilda, nous allons faire plus attention !

Dans ce temps- là, les marques d'attention comme nous rencontrons régulièrement aujourd'hui, ne serait-ce que des parents embrassant leurs enfants, se faisaient très rarement. Il y avait beaucoup de gêne à montrer ses sentiments et ça se passait ainsi à peu près partout.

Ma mère s'occupait de moi et veillait à mon éducation. J'étais très intimidée par mon père et je le craignais beaucoup, pourtant il ne me frappait jamais.
Mon père, je le vois comme un homme qui ne parlait pas beaucoup. Il semblait assez taciturne et se retirait souvent dans une petite pièce qu'il avait adoptée et il jonglait.

Dans des soirées entre parents et amis, c'était un autre homme. Il était souvent le clou de la soirée. Il faisait des farces, était un bon raconteur d'histoires , il semblait avoir beaucoup d'humour car les gens riaient de bon cœur.

On voit ici le poële à bois, la bouilloire qu'on appelait''bombe'' et qui se retrouvait en permanance sur le dessus du poële. Le cricifix qui tronait dans toutes des demeures


Ma mère m'a raconté que lorsque j'étais bébé, j'avais été très malade. J'ai pleuré pendant six mois sans arrêt, le jour comme la nuit. Je crois qu'à ce moment-là, ça ne leur aurait rien fait de me perdre tant ils étaient fatigués de m'entendre.

Comme je vous l'ai dit, ma grand mère s'était cassée la jambe et n'a pas pu venir aider maman comme elle l'aurait certainement fait lors de ma naissance. Mon père voulant aider m'avait donné à boire du lait pur et cela avait eu comme effet de me déranger l'estomac.

Le lait d'aujourd'hui est bien différent de celui de ce temps là sur lequel on pouvait retrouver quelques pouces de crème sur le dessus de la bouteille. donc très riche, un peu trop pour un nourisson.

Je me suis ensuite rétablie et je me suis développée normalement. Je marchais à neuf mois et demi et très vite j'ai commencé à fouiller partout.

Je regarde des photos anciennes et je vois que j'étais un beau bébé. Vers l'âge de deux ans et demi, une nuit, j'ai été très malade et le lendemain, j'avais l'œil gauche complètement croche, presque blanc.

Aujourd'hui, si une telle chose survenait, aussitôt, il y aurait des analyses de faites afin de régler le problème. On me ferait une opération mineure qui réglerait ce strabisme et on tenterait de rétablir ma vision.

Les moyens cliniques n'étaient pas à la portée de tous les gens et au fond de notre compagne, les moyens étaient restreints. Mes parents devaient espérer que tout rentrerait dans l'ordre tout seul mais malheureusement, j'ai toujours gardé mon œil croche avec très peu de vision, juste un petit reflet.

Je me souviens qu'on s'est rendu quelques fois à Chicoutimi consulter un chiropraticien. À cette époque, ils n'avaient pas le droit de pratiquer et tout se faisait à la cachette. Il a réussi à ramener un petit peu mon œil mais ça m'aurait pris des traitements réguliers mais c'était pratiquement impossible.

A l'âge de quatre ans, j'ai commencé à porter des lunettes afin de faire travailler mes deux yeux. Je me souviens que chaque jour, ma mère me faisait faire des exercices. On bouchait la vision de l'œil droit et avec un petit drapeau, je tentais de le suivre avec mon œil malade qui ne distinguait qu'une toute petite lueur.

Je n'y voyais presque rien et c'était très fatigant. Mes parents ont dû avoir beaucoup de peine de me voir ainsi, car pour des parents, tout ce qui fait du mal à leurs enfants les touche comme si ça leur arrivait à eux et quelquefois plus profondément.

Aujourd'hui, je porte toujours des verres correcteurs et mon strabisme ne paraît pratiquement plus, mais je n'ai jamais retrouvé la vision pour cet œil malade.

Encore une chose qui me rendait différente, car dans ce temps là, les enfants portant des verres correcteurs étaient des exceptions.

La religion catholique était omniprésente dans les familles du Québec et les messes du dimanche et des jours fériés, étaient obligatoires. Il fallait une raison majeure pour ne pas y assister. Je crois cependant que beaucoup de gens allaient à la messe plus par obligation que par conviction. De plus, à l'époque, les offices étaient très très longues, enfin c'était mon opinion.


L'église de Normandin était ce que j'avais vu de plus beau…Elle était très grande avec un ciel bleu nuit parsemé d'étoiles, c'était magnifique. Elle était immense, juchée sur le haut d'une colline, on pouvait la voir des milles à la ronde. Lors des offices religieux elle était toujours bondée. Plusieurs années plus tard elle a été détruite par le feu, ça dû être une très grande perte pour les habitants de Normandin.

Quand nous n'étions pas dans les chantiers, mes parents m'amenaient souvent avec eux à la messe du dimanche . Naturellement j'étais tannante, même si je trouvais cela beau, je n'aimais pas y aller. Je trouvais cela trop long et je ne me suis jamais bien sentie dans une église avec plein de gens qui souvent ont l'air de s'ennuyer. Je ne comprenais pas toujours ce marmottement que j'entendais, alors je ne cessais de me promener d'un bout à l'autre du banc.

Naturellement j'accrochais le petit banc que l'on trouve devant les chaises pour s'agenouiller. Il tombait avec un bruit fracassant sur le plancher de bois franc : tout le monde se tournait pour me regarder avec des yeux remplis de reproches.

Quelquefois, quand ma mère me serrait un peu trop le bras, pour la mettre dans l'embarras et pour montrer que je n'étais pas d'accord avec les moyens employés, je partais à pleurer très fort. Je vous assure que dans une grande église, avec l'écho, toute la paroisse savait que la petite tannante des Johnson était présente. Vous vous doutez bien que le retour à la maison n'était jamais bien agréable…

J'ai souvent été une vraie petite chipie.

Hi Hi , Wilda tu étais tannante toi aussi....

Bien oui comme tous les enfants j'imagine,

Moi , j'aime aller à l'église quand tout est calme. Je ne suis pas alors dérangée par des gens qui parlent, toussent ou voyagent. J'aime m'agenouiller et parler à mon Dieu comme à un ami à qui on peut tout dire. Je Le vois comme mon allié et Il est toujours présent partout. Pour moi, l'endroit d'où on lui parle n'a pas tellement d'importance, comme Il est infiniment bon, il ne faut pas le craindre mais avoir foi en lui. Il nous fait confiance, à nous de se faire confiance nous aussi.

Aujourd'hui, je n'aime pas plus qu'autrefois assister aux offices religieux avec plein de monde, comme vous voyez, à bien des égards, je n'ai pas beaucoup changée.


L'éducation des enfants.

 

Comment les enfants vivaient -ils dans ces familles nombreuses ? Étaient ils choyés ?… Avaient ils tous leur chambre ?

Hé bien mes amis, vous voulez tout savoir, je vais tenter de vous faire voir ma vision de petite fille de ce temps là.

J'avais deux tantes que je visitaient plus souvent car elles demeuraient plus près et ma mère s'entendait bien avec elles et j'aimais bien m'amuser avec mes cousins qui étaient comme des frères pour moi.

Ici avec mes meilleurs compagnons de jeux de Normandin

En avant Germain, à gauche Gilles, je suis en arrière de

Germain, je ne me souviens pas par contre des autres enfants.



Chez ma tante Irma, je retrouvais mon oncle Edmond, mes cousins , Jean- Marie que je considérais comme mon frère, cinq ans plus âgé que moi, et Clément, quatre ans plus vieux que son frère.

Mon oncle Edmond était très gentil et lorsque j'arrivais, il me prenait sur ses genoux et me berçait en me racontant des histoires qu'il inventait au fur et à mesure. Elles étaient toujours intéressantes. Je me sentais en sécurité avec lui et je me sentais surtout aimée, telle que j'étais.

C'était un patenteux. S'il avait eu la chance de faire des études il aurait probablement fait un très bon ingénieur.

Il réussissait à faire avec mon petit chien Marquis tout ce qu'il voulait. Oncle Edmond ne parlait jamais fort et pourtant il était obéi. Il disait à Marquis de faire le mort et mon petit chien se couchait sur le dos. Il attendait alors qu'on formule une autre demande pour se relever.

J'avais choisi ce petit chien dans la famille d'une autre de mes tante, ma tante Léontine qui demeurait un peu plus loin mais dont je vous parlerai un peu plus loin.
Je devais avoir du flair car sur une nichée de plusieurs chiots, j'avais choisi le plus beau et il était le seul à être resté petit par la suite. Je crois que c'est le plus beau cadeau que j'ai reçu de toute mon enfance.

Lui aussi était différent, 'il avait décidé de ne pas suivre les gens dans le bois. Il s'était construit un petit atelier où il réparait toutes sortes de choses. Il était toujours à la maison, n'était jamais pressé et était toujours de bonne humeur. Ça en chicotait plusieurs car probablement que personne n'avait le courage et/ou la chance de faire ce qu'il aimait.

Ils n'étaient pas riches, mais je crois que mon oncle et ma tante formaient un couple heureux avec leurs deux garçons.

Comme moi, Oncle Edmond a eu beaucoup de peine quand mon animal favori s'est fait tuer sur le bord du trottoir. Apparemment que le monsieur qui conduisait le véhicule avait fait expres de venir écraser mon petit Marquis qui était sur le trottoir. Il avait demandé plusieurs fois à ma mère pour l'acheter. Je nous revois encore tous les trois, en pleurs, assis les uns contres les autres sur les marches de la galerie. Nous étions comme trois enfants inconsolables car Jean Marie s'était joint à nous dans notre peine.

Vous vous doutez bien qu'avec mon oncle, j'avais bon caractère. Il pouvait me demander n'importe quel service. C'était toujours avec un beau sourire que je le lui rendais. Chaque enfant était respecté, et avec lui, on ne se sentait pas inférieur.

Je comprends aujourd'hui, que pour moi, Oncle Edmond a été probablement une des personnes la plus importante de mon enfance. C'est par lui que j'ai eu l'impression d'avoir été réellement aimée.

J'aimais bien Jean Marie. Je le considérais un peu comme mon grand frère. Je le suivais chaque fois que j'en avais l'occasion malgré notre différence d'âge.

En arrière de la maison, il y avait le Cran, c'est le nom qu'on donnait à une montagne faite principalement de grosses pierres et d'arbres. Elle était pas mal grosse et assez haute. Pour partir de la maison et grimper jusqu'à son sommet, ça pouvait prendre quelques heures...hi hi...peut être moins mais a moi ça paraissait cela.

Mon oncle nous avait fait des skis avec des planches équarries, bien sablées et cirées. Le bout des skis était relevé.
Il avait attaché dans le milieu, avec des rivets, des bandes de cuir qui avaient pour fonction de retenir la botte sur le ski. Une paire de bâtons complétait cet ensemble.

Nous n'avions pas comme vous, de beaux harnais, de beaux vêtements chauds et des bottes bien conçues pour protéger les pieds… Malgré tout nous avions beaucoup de plaisir à partir en excursion. Les hivers d'antan étaient beaucoup plus longs et rigoureux qu'aujourd'hui et la neige y était en abondance.

Elle arrivait très tôt et ne partait qu'à la mi-printemps. Malgré cet accoutrement de fortune, j'accompagnais mon cousin et ses amis, tous plus vieux que moi. Soyez certains que je ne les retardais pas, s'ils descendaient dans des petits chemins tortueux, je fonçais moi aussi. Il y en a qui se sont cassés des membres, moi pas. C'était vraiment du sport car vous vous imaginez bien qu'il n'y avait pas de remonte pente… Le soir, ça dormait dans les maisons.

C'était comme une deuxième famille pour moi car quand on avait à me faire garder c'est là que j'allais.

Chez une autre tante, ma tante Bella, j'y retrouvais quatre cousins et une petite cousine. Je me suis par contre plus amusée avec Gilles et Germain car nous n'avions que quelques mois de différence.

C'était comme des frères pour moi. Ma tante Bella était mariée avec le cousin germain de mon père , mon oncle Alphonse et les deux hommes étaient comme des frères, ce qui rapprochaient encore plus les deux soeurs.

Ma tante Bella travaillait continuellement, elle avait un grosse besogne. J'y allais souvent car ma mère et elle étaient très proches mais moi je les trouvais bien différentes. Elle était assez sévère avec ses enfants et moi je ne me sentais pas très à l'aise , elle trouvait que ma mère était trop permissive avec moi.. pourtant elle aidait ma mère à me confectionner de beaux vêtements.

Ce qui la mettait en colère, c'est le fait que j'étais pas mal grimpeuse et fouilleuse.
Il parait que j'aimais bien vider ses tiroirs. Elle aimait les bibelots et il y en avait à profusion, comment ne pas être intéressée.

Germain et Gilles avec les très beaux chevaux en bois qu'ils avaient eu en cadeaux

J'étais casse -cou aussi, ma mère me racontait que très jeune je me tenais debout sur ma tablette de chaise haute et que je dansais dessus et que rarement je me blessais, mais mon petit cousin s'était fait mal en tentant de faire comme moi et ma tante trouvait que j'avais une mauvaise influence. Elle supportait mal que ses fils ne soient pas aussi chanceux que moi. Pauvre Gilles il s'était fait tellement mal en tombant, il avait six mois de plus que moi. Nous avions beaucoup de plaisir ensemble malgré tout ainsi qu'avec Germain qui suivait de près.

Une fois, ma tante était malade, elle attendait des jumeaux et ma mère était venue pour l'aider. Avec mes cousins, nous nous amusions dehors à nous balancer sur une planche posée sur un chevalet. Vous avec dû voir cela, on en retrouve dans les parcs

À un moment donné, j'ai décidé , je ne sais pour quelle raison, que j'en avais assez et j'ai débarqué sans prévenir et sans penser que je pouvais mettre mon petit cousin en péril, mon cher petit cousin lui a pris toute une débarque.
Le pire dans tout cela , c'est le fait qu'à ce moment-là, la municipalité était en train de creuser pour les canalisations et mon petit cousin est tombé dedans un grand trou de bouette.

Heureusement qu'il y avait des hommes qui étaient là à ce moment précis et qu'ils ont pu lui porter secours. J'ai eu tellement peur et je ne suis pas la seule, croyez moi.

Ce pauvre Gilles avait lui aussi eu droit au bain dans une grande cuvette, il avait de la boue dans les yeux, dans les oreilles partout en fait. Un accident bête comme malheureusement il en arrive tant.

Ma tante a pensé que j'avais fait par exprès, comme c'est triste de penser qu'un enfant de quatre ou cinq ans peut avoir de si mauvaises intentions. Heureusement que ce n'était pas toujours comme cela car elle était très dévouée et même si je la craignais, je l'aimais beaucoup car elle avait un coeur d'or.

Jamais je n'aurais même pensé faire une chose pareil sciemment.
Je me rends compte aujourd'hui que des choses nous arrivent et que souvent on se rappelle les choses qui nous ont fait mal au cœur.

Ici, ça devait être à la fin de l'été en face d'un campement de bucherons.

Nous y retrouvons ma tante Bella, ma mère, une amie et ma

tante Alma du NB

À l'avant à gauche mon petit cousin Gilles, Germain et moi . 1940-41

 

Est-ce que les mères de famille avaient des servantes ?

Non pas dans le milieu dans lequel je demeurais. C'était tous des gens qui vivaient pauvrement et qui travaillaient fort pour faire vivre leurs familles.
La vie quotidienne était difficile dans ce temps-là pour une mère de familles nombreuses. Il n'y avait pas toutes les installations électriques qui sont à notre disposition aujourd'hui. Il y avait des poêles à bois et encore dans certaines demeures ,pour avoir de l'eau il y avait une pompe qu'on devait faire "boire" le matin pour la partir.Tout ce qui se faisait demandait des efforts.

Pour faire le lavage , il fallait faire chauffer l'eau dans de grands seaux sur le poêle à bois. Pour ceux qui n'avaient pas encore toutes les commodités, électricité et eau courante, c'était très difficile.

Les lavages se faisaient à la main, en frottant très fort sur une planche à laver afin de déloger les taches les plus rebelles. Faire aussi bouillir le linge dans une grande marmite sur le poële afin de détacher le linge souillé. Faire tremper le linge dans de l'eau avec du savon du pays. Tordre à tour de bras pour enlever le surplus d'eau et ensuite étendre le linge sur la corde pour le faire sécher. Par temps froid, quand on entrait le linge il était tout gelé comme du gros carton, tant c'était raide.

Il fallait trouver un endroit pour finir de le sécher et c'étai très long. On retrouvait souvent dans les maisons , durant les mois d'hiver de grandes cordes à linges qui traversaient toute la maison . Ça apportait beaucoup d'humidité et les fenêtres étaient toutes embuées.

Les gens travaillaient dur et avaient aussi besoin d'une grosse nourriture pour garder leurs forces. C'est la mère qui préparait les repas mais les hommes aidaient rarement dans la maison, ce n'était pas la mode. Comme les familles étaient nombreuses, les filles surtout aidaient la mère dans ses tâches ménagères. Les garçons aidaient à entrer le bois après l'avoir fendu avec une hache afin de le mettre en cartier pour en faciliter le chauffage.

Dans la majorité des cas, comme il n'y avait aucun confort moderne, l'entretien de la maison était difficile à faire. Toutes ces tâches étaient bien lourdes. On lavait les plancher avec de l'eau et du lessie, c'était très fort et ça brûlait les mains, cela avait pour effet de nettoyer à fond et de désinfecter, ça donnait une belle couleur rousse aux plancher de bois. C'est cela qu'on employait aussi dans les chantiers.

Je trouvais qu'il y avait beaucoup de violence dans certaines demeures. Les femmes en pâtissaient aussi. Il était courant de voir des enfants se faire battre par un parent ou par un grand frère. On voyait aussi des maris rudoyer leur femme, souvent pour des raisons futiles.

Heureusement, je n'ai pas eu à subir cette violence physique mais j'en ai été témoin très souvent. J'étais très émotive et j'étais toujours en état de choc quand j'en étais témoin. Je détestais la chicane et j'étais prête à toutes les concessions pour l'éviter.

Il y avait sans doute de très bons moments où régant la paix dans ces familles mais ce sont les souvenirs douloureux qui me viennent en mémoire.

J'ai toujours cru que lorsqu'un enfant est traité avec respect et tendresse, il accepte plus facilement l'idée d'être éduqué. Je crois que c'est faire injure à son intelligence que de lui refuser des explications sous prétexte qu'il ne les comprendrait pas.

Certes, les enfants ont besoin d'encadrement et de lois, mais lorsque ces lois sont présentées consciencieusement, avec compréhension et tendresse, les enfants les comprennent très aisément. Ainsi une punition sans violence ou une réprimande justifiée sera facilement acceptée et aidera à trouver le droit chemin.

J'ai l'impression que la majorité des gens de ce temps croyait que la meilleure façon d'éduquer un enfant était l'autorité absolue. Personne n'imaginait que demander au lieu de commander permettrait d'obtenir de bien meilleurs résultats.

Il faut aussi se mettre dans le contexte du temps. L'éducation que les parents avait eu était sommaire et on ne connaissait pas mieux. Tous faisaient pour le mieux mais on ne peut donner ce qu'on a pas reçu.

Tu préfères autrefois ou aujourd'hui ?


Je dirais que de tout temps il y a eu de bonnes et il y a eu des mauvaises façons d'éduquer un enfant. Le plus dur c'est de trouver le juste milieu.

Élever un jeune enfant en lui interdisant de dire ce qu'il a à dire, est aussi grave que de lui laisser dire n'importe quoi et sur n'importe quel ton.

Ne jamais lui permettre de s'exprimer est aussi grave que de laisser parler celui qui ne respecte aucune règle et fait et dit tout ce qu'il veut, je crois qu'il a besoin de balises.

Lui donner toujours des ordres d'une façon autoritaire est aussi dangereux que de le laisser tout faire sans jamais intervenir.

Enfin rabaisser toujours l'enfant de sorte que celui-ci se sente inférieur me paraît aussi nuisible que de lui laisser faire tous ses fantasmes en écrasant les plus faibles.

Comme vous pouvez voir, les extrêmes ne sont jamais souhaitables et l'époque n'y change pas grand chose. Si on souhaite que l'enfant aie confiance en lui, il faut lui inculquer cette confiance en le valorisant.

Wilda, nous allons bientôt partir en vacances. C'est Noël dans quelques jours. Tu nous racontes comment ça se passait dans ce temps-là ?

Aussi loin que je me rappelle, je n'ai pas grands souvenir de mes Noëls d'enfant excepté ceux passés dans les chantiers. Je ne comprends pas bien pourquoi. J'ai souvenance de choses beaucoup moins heureuses que cette belle fête. Peut- être est- ce dû au fait que j'étais le seule enfant. Mais je me pose encore des nombreuses questions sur ces oublis.

Mes premiers souvenirs remontent à mes premières années d'école. Je devais marcher un bon bout pour m'y rendre et je passais devant le bureau de poste. Comme j'avais des tantes qui demeuraient au Nouveau - Brunswick et que j'étais encore le seul enfant de toute la parenté de mon père, j'avais toujours de belles surprises pour Noël.

J'étais très curieuse. Sur le chemin du retour, je m'arrêtais sur les portiques des maisons et je déballais mes cadeaux qui arrivaient toujours quelques jours à l'avance. Je savais bien que ma mère m'aurait défendu de les ouvrir et elle aurait préféré les mettre sous l'arbre de Noël. Mais bon, ma curiosité était la plus forte.

Et elle ne s'arrêtait pas là.

Je fouillais partout dans la maison afin de voir s'il n'y avait pas d'autres surprises et je ne vous cache pas qu'habituellement je réussissais à tout découvrir ! Le jour de Noël il n'y avait à peu près rien que je n'avais pas trouvé.
Je disais alors que je n'avais pas de surprise pour Noël !
Comme vous le voyez, j'étais un peu beaucoup gâtée.
Je peux vous dire que ce petit manège s'est déroulé ainsi pendant quelques années.

Mes petits cousins Gilles et Germain me trouvaient bien chanceuse et auraient bien aimé recevoir des cadeaux de cette façon car eux aussi avaient de la parenté à Maisonnette. Quand on a 4 ou 5 ans, on ne comprend pas pourquoi les autres ont des choses et pas nous.

Pour les parents, c'est aussi difficile d'expliquer qu'on ne peut pas faire tel ou tel achat. La vie est ainsi faite et il y aura toujours des écarts en toutes choses, malheureusement.

Il ne faut pourtant pas en vouloir à ceux qui semblent privilégiés car il ne sont pas toujours responsables de leur bonne fortune aussi bien que du contraire.
On ne choisit pas dans quel pays on naît, on ne choisit pas dans quelle famille on viendra au monde, sur quel continent nous passerons nos premières années c'est pourquoi le racisme est si injuste.

Comment les enfants s'amusaient-ils ? Allais-tu jouer au parc ?

Comme dans la plupart de maisons avoisinantes, il y avait de nombreux enfants, ils jouaient dehors ensemble quand la température le permettait.

Ça s'amusait avec des jeux de fortune. Les jeux d'équipes étaient populaires. On jouait à la tague. Ce jeu consistait à courir après quelqu'un et lui toucher, c'était alors à son tour de la donner à un autre enfant.


Il y avait la cachette, un était choisi pour chercher les autres .Il se bouchait les yeux et comptait jusqu'à 10 pour donner la chance aux autres de se cacher. Il y avait un point de ralliement et il s'agissait de revenir au but avant celui qui devait chercher, le dernier qui arrivait devait chercher les autres.

On s'amusait beaucoup à l'extérieur à cette époque, c'était aussi bien mieux pour la santé . Souvent les plus vieux de la famille devaient passer la plupart de leur temps à aider dans la maison et n'avaient pas grands temps pour s'amuser.

Lorsqu'il ne faisait pas beau, les enfants se trouvaient des occupations, on jouait à la mère, à la maîtresse d'école, on chantait, on contait des histoires
Quelques familles avaient la chance d'avoir un radio à batteries ou électrique selon si ce service était installé et le soir, après le chapelet en famille où toute la maisonnée était agenouillée, on écoutait avec beaucoup d'attention des radios savons, comme on appelait les émissions périodiques.

Je me souviens de Jeunesse Dorée, Madeleine et Pierre, Un homme et son péché, les Joyeux troubadours qui eux passaient à l'heure du dîner, Nazaire et Barnabé et le hockey le soir.
Il y avait des capsules que j'écoutais très attentivement…Le civisme est une foule de petites choses, un tel programme devrait toujours exister car j'apprenais beaucoup de choses sur la façon de vivre en harmonie avec les autres.

Quelques fois des enfants très jeunes ,10 ou 11 ans étaient retirés de l'école pour aider la mère qui était dépassée par les lourdes tâches qu'elle avait à faire pour élever les plus jeunes. Il y avait toujours des bébés et quelques fois deux ou trois encore aux couches.

Il était fréquent de voir une mère de 30 ans avec 7 ou 8 enfants qui se suivaient à quelques douze ou quatorze mois d'intervalle. Elle paraissait aussi vieille que bien des femmes de 50 ans d'aujourd'hui.

Souvent les mères perdaient patience et criaient beaucoup après les enfants. Dans les conditions où tout cela se passait était très dure.
Avec le peu de commodité, il était bien compréhensible que ça perde patience mais je crois que ça ne donnait pas le droit de frapper des enfants avec une telle vigueur.

Il y avait beaucoup de cultivateurs aussi qui eux habitaient dans les rangs et où les enfants commençaient très jeunes à aider à la grange, à l'écurie et à la terre..Dand les rangs, les maisons étaient toutes éloignées les unes des autres.

La région du Lac St Jean est renommée pour ses bleuets qui sont très bons, gros et sucrés.
Quand c'était la saison , vers la mi-juillet et août, des familles complètes partaient faire une run de bleuets au même titre qu'on disait une run de chantier.

Tous ceux qui pouvaient marcher étaient mis à contribution pour la cueillette de ce super petit fruit qui apportait un revenu supplémentaire aux familles. Même si c'était dur car tous demeuraient dans un camp de fortune ou des tentes,avec plein de moustiques mais malgré tout, je crois qu'ils en gardent aujourd'hui une certaine nostalgie car c'était comme des vacances pour plusieurs.


Non il n'y avait pas de parc comme aujourd'hui. Même s'il y en avait eu, je ne vois pas qui aurait eu le temps ou le loisir d'y aller.

Chez moi, la vie était bien différente, la radio jouait tout le temps et nous pouvions écouter religieusement les émissions en toute tranquillité.

J'avais ma chambre pour moi tout seul mais chez les voisins, il n'était pas rare que trois ou quatre enfants partagent la même chambre à deux ou trois par lit. Pourtant je les trouvais chanceux d'avoir toujours quelqu'un à qui parler et des compagnons de jeux.

Heureusement que j'avais des tantes accueillantes et des petits cousins et cousines qui m'acceptaient dans leur jeux car je n'avais pas la permission d'aller jouer chez les voisins.

Encore un souvenir avec mon oncle Iréné et ma tante Alma

**Je me relis et je réalise que je brosse un portrait assez sombre de la façon dont je voyais la vie qui se déroulait à cette époque, pourtant tout est relatif. Il faut vraiment se reporter au contexte du temps.

Probablement qu'inconsciemment, je fais la comparaison avec la vie facile que nous avons aujourd'hui.

Les sociétés créent des besoins mais quand on ne connait pas ces besoins, ils ne nous manquent pas.

Le fait de ne pas avoir de télévision, de laveuse de vaissselle, de nitendo, de balayeuse, d'ordinateur et je pourais en nommer une grande quantité , n'avait aucune importance .

Ça n'existait tout simplement pas et si c'était arrivé dans les villes hé bien on espérait que bientôt peut être nous aussi nous aurions dans les régions éloignées.

Les gens se contentaient de ce qu'ils avaient et je crois que quand on pouvait avoir un nouveau service, que ce soit l'électricité ou l'eau courante, ces services étaient comme un cadeau du ciel et très appréciés.

Par contre l'entre-aide, la fraternité et la générosité étaient présentes dans le coeur de ces gens d'une autre époque. Les gens s'amusaient sainement et avaient beaucoup de plaisir à se visiter pour rire, chanter et danser un petit rigodon.

Les enfants s'amusaient avec des jouets tous simples qu'ils se fabriquaient eux même ou qui venaient de leurs parents ou leurs ainés.

Ils n'avaient pas autant d'attentes qu'aujourd'hui et ils se réjouissaient de la moindre petite attention.

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